écologie aquariulm
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Etude de cas problématique en aquariophilie récifale et solution
- Le 01/03/2019
Etude de cas problématique en aquariophilie récifale et solution "éco-logique"
L'idée de cet article est de proposer un cas problématique en récifal afin de mettre en lumière comment certains aquariophiles raisonnent de manière erronée face à un problème de maintenance et par conséquent résolvent faussement leur problème. Ce type d'erreur de diagnostique entraîne souvent une fuite en avant marquée par l'ajouts de solutions à de nouveaux problèmes engendrés par la solution précédente... J'ai choisi bien entendu un "cas d'école" très simplifié. Il s'agit de "mettre en lumière" un raisonnement et non de traiter objectivement de ce cas imaginé ( mais non moins fréquent dans la pratique récifale ! ).
Prenez dans un aquarium spécifique d'un côté un Synchiropus Splendidus ( Poisson mandarin ) ou un Chelmon juvéniles et de l'autre une population de microfaune quelconque. Offrons aux jeunes poissons les conditions physicochimiques idéales dans l'aquarium et dans un refuge les conditions physicochimiques idéales pour la microfaune. Théoriquement les poissons et la microfaune devraient s'épanouir, les premiers se nourissant des seconds et les seconds profitant des détritus produits par les premiers...
Au début tout va bien et d'un côté l'on constate que le poisson a le ventre bien rond et que sa croissance est optimale et de l'autre que la population de microfaune s'enrichit quantitativement. Plus le poisson grossit plus il produit de déchets plus la microfaune en profite mieux elle nourrit le poisson... bref tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes aquariophiles. Mais, plus le poisson grossit plus il consomme de microfaune et produit de déchets. Il consomme tellement de microfaune qu'à un moment cette pression prédatrice va dépasser le taux de production ( reproduction ) de ces micro-organismes. Ce n'est pas si grave que cela peuvent en conclure certains récifalistes puisquemon poisson accepte les nourritures de substitution ; il suffit donc d'ajouter un peu de nourriture en plus pour compenser.
La première idée que nous avons à ce stade d'analyse du cas, c'est de penser au besoin nutritionnel spécifique des Synchiropus ou des Chelmons et en déduire que dans le bac en question ces animaux ne seront pas qualitativement bien nourrit même si la quantité de nourriture y est. Il s'agit là d'une considération technique pertinente mais c'est sur le plan écologique que nous appréhendons la problématique en cet article.
Il nous faut d'abord considérer que le Synchiropus ou le Chelmon de ce bac va continuer de "taper" dans la microfaune même s'il consomme à côté des artémias congelées par exemple. Chez ces poissons la chasse à la microfaune répond à un besoin comportemental quasiment irrépressible. Même dans un bac nu d'animalerie un poisson Mandarin passe son temps à chercher de la microfaune ! Donc la pression prédatrice sur la population de micro-détritivores va continuer et cette dernière ne va cesser de se réduire quantitativement et qualitativement ( biodiversité ).
Croissance du poisson + addition de nourriture de substitution = plus de déchets.
À présent peut surgir une autre idée : Plus de déchets c'est plus de décomposeurs ( les bactéries notamment ), donc au fond cette surproduction détritive n'est pas un problème. Sauf que : Plus de déchets c'est plus de bactéries, donc plus de co2 produit par une biomasse bactérienne vivante et morte qui elle-même produit des déchets. Cela ne s'arrête pas là ! Au fur et à mesure que la population de micro-détritivores s'affaiblit les particules "livrées" aux bactéries pour être décomposées et minéralisées sont de plus en plus grosses du fait de l'absentéisme des "agents microfaune" sur la chaîne de traitement des déchets. Il y a là un véritable problème qui ne peut pas être sans conséquence sur la santé globale de l'aquarium ! On peut raisonnablement présumer que :
Les taux de no3 et po4 font devenir plus difficiles à gérer qu'auparavant. Le ph aura tendance à diminuer. La matière organique n'étant plus réduite par la microfaune, de plus en plus de micro-particules vont envahir la colonne d'eau et constituer des micro-substrats flottants idéaux pour les bactéries ; on risque à tout moment un méga bloom bactérien. Pour le peu qu'il se produise pendant la nuit ou une absence et c'est le crash assuré !
Une appréhension purement technique de la problématique conduira l'aquariophile à se poser les mauvaises questions, comme par exemple celles-ci :
- Comment sauver mon poisson qui va pas bien alors qu'il accepte le congelé ?
- Comment avoir plus de microfaune ?
- Comment rétablir mon ph qui baisse sans cesse ?
- Pourquoi j'ai un bloom bactérien ?
- Pourquoi mes taux de no3 et/ou po4 montent en flèche ?
- Pourquoi les cyanobactéries et des algues bizarres envahissent mes coraux ?
Et évidemment les réponses apportées seront elles aussi d'ordre technique. Elles viseront toutes à ajouter quelques choses au bac ( matériels d'épuration plus performants, produits chimiques ) dans le but de soigner les symptômes. Mais, on l'a vu, du moins j'ai essayé de le faire voir, que le mal est de nature écologique. Sa thérapeutique n'appelle pas seulement un soin d'urgence ou paliatif mais une reconsidérartion del'équilibre écologique de l'aquarium. Le problème dans le cas évoqué a pour cause essentielle un taux de prédation microphage supérieure au taux de production microfaunique.
La bonne solution est donc soit d'ajouter régulièrement de la vraie microfaune, soit de se séparer du poisson prédateur, soit d'aggrandir la taille du bac et celle du refuge. J'emets quelques réserves sur la troisième solution tant l'on sous-estime généralement la pression prédatrice microphage de certains poissons ( sans compter celle des invertébrés sessiles ! ). Un Chelmon aura plus rapidement qu'on le pense explorer de son bec le moindre interstice rocheux d'un récifal de 1000 litres ! Pour le peu qu'il soit accompagné dans sa quête chaseresse de dragonnets et de labridés et ce grand bac se retrouvera très vite confronté à la problématique que nous avons analysée ( de manière très simplifiée rappelons-le ). Toute autre solution autre que les trois que l'on vient de citer ne sont rien d'autre que des tentatives de fuite en avant ! Tant de problème de maintenance aux conséquences dramatiques pourraient être évités si au raisonnement systématiquement technique on préférait le raisonnement écologique ( ce dernier ne fermant pas la porte à la technique ! ). S'il fait l'effort de reconsidérer son raisonnement à chaque fois qu'il est confronté à un problème de maintenance de son bac, l'aquariophile verra émmerger en son esprit des causes écologiques et des solutions écologiques qu'il n'avait même jamais envisagées auparavant. Même en aquariophilie l'ouverture d'esprit est existentiellement gratifiante ! On a parlé ici d'aquariophilie d'eau de mer mais ce principe vaut aussi bien entendu pour l'aquariophilie d'eau douce.