Nous sommes entrés dans une nouvelle ère du récifal

  • Le 30/01/2023

   L'écologie marine nous a fourni tellement de données nouvelles que le modèle de maintenance récifale qui circule encore sur les réseaux sociaux et a travers les conseils de certains vendeurs est totalement caduque, dépassé. On ne parle pas là d'évolution technique et matériel mais d'un colossal bon en avant conceptuel. Il s'agit véritablement d'un nouveau paradigme, d'une nouvelle représentation de ce qu'est un aquarium récifal. 

Notions préalables
:

La zone pélagique, c'est la pleine mer ou haute mer. Elle se trouve donc loin des côtes et des récifs, donc là où il n'y a pas de substrats ( roches et sable ) immédiatement au contact de la masse d'eau.

La zone benthique est généralement cottière et relativement peu profonde. L'eau est en contact avec des roches et du sable. 

Un modèle récifal dépassé :  

   L'ancien modèle récifal était celui de la zone pélagique, s'appuyant sur le schéma écologique simplifié suivant : Le phytoplancton produit la matière organique, puis est consommé par le zooplancton qui sera avalé par des petits poissons qui seront eux-mêmes mangés par des plus gros. Une des caractéristiques des zones pélagiques est l'extrême pauvreté bactérienne. Il en résulte qu'une très faible quantité des déchets est recyclée sous forme minérale et donc remise à disposition des producteurs primaires ( phytoplancton essentiellement en pleine mer ). La majorité des déchets imparfaitement dégradés va rester en suspension sous forme de particules. L'ancienne conception récifaliste s'est évertuée a imaginer les meilleurs moyens d'extraire ces particules détritiques avant qu'elles ne sédimentent. La transformation de la matière organique n'était alors pas considérée comme une boucle de recyclage mais comme un processus linaire conduisant inexorablement à une accumulation des déchets ! Donc, logiquement, l'aquariophilie marine concentrait sa recherche technique sur la filtration mécanique et l'écumage, à défaut de pouvoir, comme en eau douce, laisser les masses filtrantes traiter biologiquement les déchets ( production excessive de nitrates )

La décante, une transition intéressante... 

   Sous l'effet de la pesanteur ou des courants, les particules flottantes détritiques du milieu pélagiques tombent sur le fond des océans ou viennent s'accumuler sur les côtes. Imitant ce principe, les techniciens de l'aquariophilie récifale ont conçu la décante. Effectivement les particules en question se déposent au fond de ce bac sous forme de sédiments et il est assez commode de les en retirer en les syphonnant. C'est un concept pratique mais mécanique plutôt qu'écologique. Rappelons que le but de l'Aquariophilie est de reproduire le plus fidèlement possible la dynamique naturelle. Personne ne vient retirer les sédiments qui s'accumulent sur les fonds des abysses ou sur les côtes. Que deviennent-ils donc ? Il manquait donc quelque chose à la décante...  C'est à partir de cette réflexion que nous sommes passé dans une nouvelle dimension de l'aquariophile récifale.... 

Que deviennent donc les sédiments en milieu naturel ? 

   Puisque les sédiments détritiques ne sont pas retirés mécaniquement de l'océan et que pourtant ils ne s'accumulent pas comme dans un dépotoir ( sauf dérèglement d'origine anthropique ), il faut donc qu'ils soient transformés en autre chose qui ne soit pas nuisible à l'écosystème. C'est bien entendu ce qui se passe dans la nature et ce même phénomène de transformation épurateur est parfaitement reproductible dans un aquarium récifal. La sédimentation implique les substrats ; les roches et le sable sont d'ailleurs constitués de sédiments plus ou moins "immobilisés" sous diverses formes physiques et chimiques. Mais elle implique aussi une certaine biomasse dont l'habitat est précisément les sédiments. Ces derniers sont aussi la source nouricière des ces organismes. On peut dire que ces micro-organismes se nourissent de leur "maison". De fait, ce méiobenthos ( méiofaune et nématofaune essentiellement ) "travaillent" constamment les sédiments ; c'est ce que l'on appelle la bioturbation

La zone benthique ou "l'usine" de recyclage sédimentaire

  Dans la zone pélagique il n'y pas de sédiments, juste des particules détritiques flottantes et donc pas de cette précieuse méiofaune benthique. En se calquant sur le fonctionnement écologique des zones de pleine mer les récifalistes d'hier n'ont logiquement pas appréhendé les sédiments comme des éléments écologiquement actifs dans le flux de la matière organique. Tous ceux qui aujourd'hui tiennent compte de ce paramètre bio-écologique constatent que leurs bacs récifaux fonctionnent plus naturellement et que la maintenance est grandement simplifiée. À l'échelle temporelle de la vie de nos bacs la neutralisation des sédiments par immobilisation solide ( diagénèse ) n'est pas des plus significative, sauf pour les phosphates, car il faut des milliers voire des millions d'années pour opérer cette transformation physico-chimique. En revanche, une partie du méiobenthos, "gorgé" de bons éléments "puisé" dans les sédiments, est envoyé dans la colonne d'eau sous l'effet des plus gros détritivores qui broutent ou remuent les substrats. Cela est une nourriture naturelle de qualité inégalable pour les invertébrés suspensivores et filtreurs et bien entendus les coraux. Le meiobenthos produit aussi du zooplancton de taille encore plus microscopique par le biais de ses larves. Et pour finir, il constitue la nourriture de nombreux poissons comme par exemple les poissons mandarins

 

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