Quelles espèces de microfaune dans un aquarium d'eau douce ?
- Le 28/05/2017
- Dans La microfaune en aquarium d'eau douce
Quelles espèces de microfaune benthique peut-on retrouver dans un aquarium d'eau douce ?
L'adjectif benthique sert à désigner les animaux qui vivent sur ou dans le substrat. Le fond des biotopes d'où proviennent les poissons d'aquarium d'eau douce est toujours très riche en divers organismes constituant un maillon indispensable de la chaîne alimentaire et de la chaîne de traitement des déchets. On imagine plus facilement cette richesse microbenthique ( microscopique ) et macrobenthique ( visible à la loupe ) dans le mulm des "marigots" presque stagnants d'Asie du Sud-Est, dans les sédiments d'une mangrove à Madagascar, dans le sable fin des lents ruisseaux forestiers de Papouasie que sur le fond caillouteux des rivières et torrents d'Afrique occidentale ou d'Amérique du Sud. Pourtant la microfaune, composante biotique essentielle des écosystèmes aquatiques, est partout, absolument partout... Sauf dans les aquariums modernes surfiltrés et dénaturés !
On ne sait jamais précisément ce que contient, en terme d'espèces, un prélévement de microfaune zooplanctonique d'eau douce ; on ne sait pas non plus par avance celles qui vont s'implanter durablement ( phase adulte ) dans un aquarium d'eau douce. Chaque aquarium-écologique est unique en son genre car il est caractérisé par de nombreux facteurs : le matériau du substrat , sa granulométrie, son épaisseur, sa maturité, la densité des prédateurs, les paramètres de l'eau, le type de végétation, la dynamique hydraulique ( brassage ). Ajoutons à cela que, sans que l'on en connaisse les critères déterminants, certains organismes sont à la fois capables de produire des larves planctoniques ou de libérer directement dans le substrat des "bébés tout faits" ; c'est par exemple le cas de nombreuses espèces de petits crustacés ( copépodes, isopodes ).
Moi-même, après 35 ans de pratique de l'aquariophilie "naturelle", je suis suis toujours surpris de l'évolution de la population de microfaune benthique dans mes bacs après des ajouts de microfaune zooplanctonique. N'oublions pas que le zooplancton que je prélève dans mes élevages est composé d'oeufs et de larves provenant de la reproduction de la microfaune-macrofaune adulte. Pourquoi et comment par exemple des aselles ou des gammares, des espèces réputées porter leurs oeufs dans leurs poches ventrales ( Le marsupium ) jusqu'à l'éclosion de petits déjà formés, peuvent-ils arriver dans un aquarium "neuf" exclusivement ensemencer avec du zooplancton d'eau douce ? J'avoue que bien souvent mes constats empiriques ( basés sur l'observation ) contredisent mes connaissances scientifiques. Et c'est tant mieux !
Peut-on déduire de notre méconnaissance en matière de microfaune ( pas toujours avouée par les biologistes professionnels ) qu'une souche d'ensemencement pour aquarium d'eau douce constituée de zooplancton est finalement une pochette-surprise ? J'aime à le penser. D'abord l'extrême petitesse des oeufs et larves de microfaune fait qu'il faudrait des moyens de laboratoire professionnels pour en analyser scientifiquement le composant vivant. Heureusement l'aquariophilie est une passion qui se nourrit essentiellement des mystères de la Nature. Rien n'est plus désenchanteur que le discours de ces aquariophilies scientistes qui veulent absolument tout expliquer par des théorèmes biologiques. Je les entends déjà critiquer cet article à coups d'arguments formels. Moi je parle d'expérience aquariophile pratique ; je suis désolé et je veux bien m'en excuser, mais je n'y peut rien si cette dernière contredit une certaine orthodoxie aquariologique.
Je ne prétends rien à apprendre aux autres sur les poissons et les plantes d'aquariums, sur la chimie des eaux, sur les performances du matériel commercial... En revanche je peux légitimement parler de la microfaune en aquariums d'eau douce ou d'eau de mer. Donc, sans le moindre complexe, je répète et j'affirme qu'il est impossible de prévoir précisément quelles proportions d'oeufs et larves de chaque espèce contiendra une souche d'ensemencement zooplanctonique ; pas plus qu'il est possible de prévoir quelles sont parmi elles celles qui s'implanteront durablement dans un aquarium d'eau douce. Cela serait bien évidemment possible si cette souche était composée d'organismes adultes rigoureusement sélectionnés en fonction de leur capacités d'adaptation. C'est ainsi qu'en eau de mer on s'est retrouvé sur le marché avec des souches d'ensemencement quasiment monospécifiques ( que des copépodes en général ). Tant qu'il y aura des aquariophiles incapables de concevoir l'existence la multitude du vivant dans l'infiniment petit et par conséquent ne croyant qu'à ce qu'ils voient, il y aura des commerçants pour leur vendre des flacons où nagent seulement quelques "grosses petites bestioles" bien visibles !
J'aurais pu personnellement depuis longtemps développer des bacs d'élevage de microfaune séparés pour chaque espèce mais je préfère que ces derniers soient conçus comme de véritables petits aquariums dédiés où la diversité cherche constamment son équilibre interspécifique. Les seuls organismes que j'ai depuis longtemps volontairement éliminés de mes élevages sont les indésirables avérés et les larves d'insectes volants en eau douce. Lorsque je verse un prélèvement de microfaune zooplanctonique, je pense toujours à ce que l'observation à la loupe du substrat de l'aquarium réensemencé va me réveler dans quelques jours ou semaines. Parfois, je peux découvrir des mois après qu'une espèce que je croyais absente du bac s'y est finalement implantée. Même si le potentiel de diversité possible dans un prélèvement de zooplancton ( oeufs et larves ) se limite logiquement aux espèces adultes que je possède dans mes élevages, la marge de possibilité reste telle qu'un aquarium-écosytème peut apporter autant de plaisir et de surprise que l'observation d'un prélèvement en milieu aquatique sauvage ! N'est-ce pas dans ce but naturaliste que l'aquarium a été originellement conceptualisé ?