"Écumeur, pas écumeur", au-delà des divergences techniques

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Un aquarium récifal avec ou sans écumeur ?

Écumeur ou pas écumeur ? Il s'agit d'une sujet largement traité sur le net, notamment sur de gros forums américains comme Reef Central ; là-bas on parle de "skimmerless" pour qualifier les aquariums d'eau de mer fonctionnant sans écumeur. Pas plus qu'en France, la lecture de centaines de pages de posts ne vous permettra de trancher définitivement ; écumeur-pas écumeur ? telle restera en suspens la question. Ce qui m'a toujours frappé personnellement en parcourant ces forums c'est que jamais je n'ai trouvé le débat skimmer-skimmerless traité sous un angle idéologique. On avance des arguments techniques, fonctionnelles, écosystémiques, économiques mais jamais philosophiques. Et si l'aquariophile choisissait un récifal avec ou sans écumeur tout simplement en fonction de ce qu'il attend existentiellement de son aquarium

D'abord il me faut dire et répéter autant de fois pour que l'on ne m'envoie plus de ces mails "équivoques" que je n'ai rien contre les écumeurs, rien, absolument rien ! L'écumeur pour aquarium est une invention qui a révolutionné positivement l'aquariophilie marine. Et, là aussi je me répète consciemment, l'écumage est indispensable à l'épuration d'un récifal orienté "full sps". Je résume pour ceux qui découvre ce blog à travers cet article : full sps = eau oligotrophe = reste de nourriture inexistant = pauvreté en macrofaune = pauvreté en microfaune = écumeur ! On posant ainsi ces équations on voit apparaître un rapport direct entre la macro-microfaune et l'écumeur. Il faut remonter presque 50 ans en arrière pour comprendre fonctionnellement cette causalité :

Lorsque l'écumeur débarque dans l'univers de l'aquariophilie marine la préoccupation technique primordiale est de parvenir à réguler le produit final du travail des bactéries. La microfaune n'étant pas encore inclue dans la chaîne de dégradation des déchets organiques d'un aquarium, notamment la charge protéique, on compte uniquement sur les bactéries pour assumer ce rôle. Les aquariums marins étant à cette période des "fish only" décorés de squelettes de coraux morts, le taux de nitrates ne s'impose donc pas encore comme un problème majeur ; on cherche surtout à créer des systèmes de filtration susceptibles à la fois d'être les meilleurs supports de bactéries et d'y faire circuler l'eau à traiter à la vitesse optimale. Seulement, on est confronté à un dilemme : plus il y a de déchets à traiter plus il y a de bactéries ; plus il y a de bactéries plus leurs cadavres produisent de déchets plus ou moins toxiques. En quelque sorte le serpent se mord la queue ! L'idée est donc de ralentir le développement exponentiel des populations de bactéries en réduisant en amont de la filtration la quantité de matières organiques à traiter. C'est ainsi que naît l'écumeur

Dans les années 1970-1980 il est difficile pour un particulier, si tant est qu'il ait eu connaissance de leur existence, de pouvoir se procurer des pierres et du sable vivant ; il est bien évident que ce n'est pas via les poissons ou les squelettes de coraux désséchés que la macrofaune et la microfaune peuvent arriver dans l'aquarium. C'est avec les diffusions populaires de la méthode berlinoise (épuration par les pierres vivantes ) et de la méthode Jaubert (épuration par le sable vivant ) - et bien sûr le marché qui en découle - que l'immigration clandestine de la population macrofaune-microfaune débute. Pour les récifalistes berlinois cette population opportuniste est un plus à l'écumeur... à condition qu'elle soit bien choisie ( surtout pas les moches et les improductifs supposés  ! ) ; pour les Jauberistes elle est providentielle puisque essentielle. 

Rien ne ressemble moins physiquement à une population de petites-bêtes qu'un écumeur... Mais d'un point de vue fonctionnel ces deux épurateurs sont très proches ! À l'un comme à l'autre on demande de réduire le travail des bactéries dans le but, pas toujours reconnu, d'en "écrémer" l'effectif. Si le rôle de l'écumeur est d'éliminer certains déchets avant qu'ils n'entrent dans les cycles biologiques naturels, celui de la macro-microfaune est de "prémacher" les matières organiques, d'en digérer une partie et de laisser les bactéries finir le travail. Qu'advient-il des inévitables produits terminaux du traitement des déchets d'un récifal sans écumeur ? Il s'agit là d'un questionnement qui mérite un futur article dédié. 

Finalement ma préférence personnelle quant au récifal sans écumeur est essentiellement une question de perspective d'observation. Je ne peux me contenter d'une vision élargie de mes bacs. J'ai beau commencer par admirer à distance adaptée la beauté des poissons se mouvant au sein d'un milieu corallien chatoyant de couleurs je finis toujours le visage collé à la vitre, attiré par le mouvement furtif d'une petite bestiole parcourant une pierre ou se frayant un passage entre des grains de sable. Même l'observation concentrée et rapprochée d'une colonie de polypes ne peut satisfaire entièrement ma passion naturaliste. Tout récifaliste ayant pu les comparer, reconnaîtra que la population de microfaune-macrofaune et indéniablement plus riche et variée dans un aquarium non-écumé, que dans un bac écumé. Et heureusement puisque cette condition est gage du succès d'un récifal sans écumeur ! La microfaune-macrofaune apporte un plus dans l'épuration d'un bac berlinois mais elle n'en est pas l'élément déterminant.

Et puis, au delà des considérations conventionnelles qui déterminent le choix d'un récifal sans écumeur, n'y-a-t-il pas tout simplement la passion pour le petit monde encore mystérieux des toutes minuscules bêtes des récifs